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Un nouveau défi pour les professionnels du chiffre
La digitalisation gagne rapidement du terrain en Afrique : dématérialisation des déclarations fiscales, logiciels comptables en ligne, paiements électroniques, partage de données sur le cloud…
Cette modernisation offre de nombreuses opportunités, mais elle s’accompagne aussi d’un risque grandissant : la cybercriminalité.
Dans plusieurs pays africains membres de l’OHADA, les cabinets d’expertise comptable sont désormais des cibles privilégiées. En effet, ils gèrent des informations financières, fiscales et personnelles sensibles, un véritable trésor pour les cybercriminels.
Les attaques se multiplient : usurpations d’identité, virus bloquant les fichiers comptables, piratage de courriels professionnels, ou encore escroqueries via de faux ordres de virement.
Pour les cabinets, les conséquences peuvent être dramatiques : perte de données, atteinte à la réputation, sanctions légales et rupture de confiance avec les clients.
Pourquoi les cabinets africains sont particulièrement exposés
Plusieurs facteurs rendent les entreprises africaines et en particulier les cabinets comptables vulnérables :
- Infrastructures informatiques parfois limitées (réseaux instables, absence de sauvegardes automatisées..) ;
- Faible culture de cybersécurité au sein des équipes ;
- Utilisation d’outils non sécurisés (partage de fichiers via WhatsApp, clés USB non protégées, mots de passe simples) ;
- Absence de politiques internes de gestion des données ou de réaction en cas d’incident.
Dans ce contexte, les cabinets comptables doivent intégrer la cybersécurité comme une priorité de gestion, au même titre que la qualité des prestations ou la conformité aux normes comptables OHADA.
Les cybermenaces les plus fréquentes dans l’espace OHADA
- Phishing (hameçonnage) : messages frauduleux imitant les administrations fiscales ou la BCEAO, incitant à cliquer sur un lien ou à fournir un mot de passe.
- Ransomware (rançongiciels) : blocage total des fichiers comptables jusqu’au paiement d’une rançon.
- Vol ou fuite de données : extraction illégale d’informations clients (relevés, bilans, informations sensibles, etc.) pour les revendre ou les exploiter.
- Escroqueries par faux ordres de virement : usurpation de l’identité du dirigeant ou d’un client pour demander un virement urgent.
Mesures simples mais efficaces pour les cabinets africains
Même avec des moyens limités, des actions concrètes peuvent fortement réduire les risques :
- Former et sensibiliser les collaborateurs
→ Organiser régulièrement des sessions de sensibilisation (en interne).
→ Apprendre à reconnaître les faux mails, les liens suspects et les pratiques à risque. - Sécuriser les accès
→ Utiliser des mots de passe complexes, les changer régulièrement, et activer la double authentification sur les logiciels. - Mettre à jour les logiciels
→ S’assurer que les antivirus et systèmes d’exploitation sont toujours à jour pour combler les failles. - Sauvegarder régulièrement les données
→ Sur un disque externe ou un cloud conforme aux normes de protection des données. - Limiter l’accès aux informations sensibles
→ Seules les personnes autorisées doivent pouvoir accéder aux dossiers clients. - Choisir des prestataires numériques fiables
→ Privilégier les hébergeurs et éditeurs de logiciels respectant les standards de sécurité (certifications, serveurs régionaux, clauses de confidentialité).
En cas de cyberattaque : agir vite et méthodiquement
- Déconnecter immédiatement les ordinateurs du réseau concerné pour éviter la propagation.
- Alerter les autorités compétentes (police cyber ou agence nationale de cybersécurité).
- Informer les clients concernés.
- Analyser l’incident afin d’identifier la faille et prévenir toute récidive.
Certaines juridictions africaines, comme le Togo, le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou le Bénin, ont adopté des lois encadrant la protection des données personnelles et la cybersécurité. Par exemple, le Togo a promulgué la loi n° 2019‑014 du 29 octobre 2019 relative à la protection des données à caractère personnel, qui prévoit des obligations strictes en matière de collecte, de traitement, de conservation et de sécurité des données, ainsi que la création d’une instance de régulation (IPDCP). Dans ce contexte, les cabinets d’expertise comptables doivent veiller à respecter ces réglementations locales tout en respectant les obligations de confidentialité et de diligence imposées par les normes OHADA, afin de protéger les données de leurs clients et de sécuriser leurs activités.
Conclusion
Dans un environnement économique de plus en plus digitalisé, la cybersécurité n’est plus un luxe réservé aux grandes entreprises.
Pour les cabinets comptables africains, c’est une question de survie, de confiance et de responsabilité professionnelle.
En adoptant une culture de cybersécurité adaptée aux réalités locales, progressive et collective, les cabinets comptables contribueront à bâtir une économie numérique africaine plus sûre et plus résiliente.



